Je n’ai jamais vu quelqu’un se faire renverser. Le seule accident (ou suicide) que j’ai vu, c’est celui d’une sans domicile fixe dans le métro. Il y avait tellement de monde sur les quais qu’elle était à deux doigts de tomber et puis, le temps que je cligne les yeux quand le métro arrivait, elle n’était plus là. Une onde de panique avait fait crier les gens et les avait fait courir. C’était pathétique, je plaignais juste les pauvres qui avaient reçus quelques gouttes de sang (ça, c’est écœurant). Moi, je n’avais pas bougé et à mes risques et périls, j’avais failli me manger le poteau qui était à mes côtés.

Elle prend mes mains dans les siennes et me dit

« - Je vais bien et c’est grâce à toi ! Qu’est-ce que je pourrais bien faire pour te remercier ? J’y tiens vraiment , tu..je..merci beaucoup Sam..merci énormément.. »

Sauf que je ne l’écoute pas. Ou du moins, je ne fais pas attention. Elle me tient les mains... Mes mains ! Je ne sais pas pourquoi mon cœur refait les mêmes bonds tarés que tout à l’heure, et pourquoi mon sang ne fait qu’un tour. Mes tempes frappent fort et un bruit sourd hante mes oreilles (mon cœur ? je crois bien). D’habitude je ne suis jamais aussi mal à l’air avec une fille. Je me fais pitié mon dieu... Je reprends mon souffle et souris. Puis ses paroles viennent à mon cerveau (oui seulement maintenant...) et je fais un plus grand sourire. J’essaye d’éteindre mon esprit pervers, mais rien n’y fait. Des tonnes d’idées fusent dans ma tête mais je garde pour autant le silence.

« Je crois que je n’aurais pas tellement aimé qu’il y ai de la bouille de Noemy partout. »

Alors que je la regardais dans ces petits yeux verts bleu, elle lâche mes mains (pour mo plus grand désarrois). Quelques secondes après, un homme vient à nos côtés et nous regardent. Il nous toise limite. Je fronce les sourcils, me demandant ce qu’il veut. Puis, alors que j’allais lui demander s’il voulait notre photo, il débite un taux de connerie inimaginable :

« - Mademoiselle ! je..j’ai vu la scène moi qui pensait pouvoir être de nouveau tranquille dans l’appartement et non il a fallu que ce jeune homme vous sauve..la vie est vraiment dure ! si j’ai bien compris je vais devoir vous coltiner encore longtemps..génial ! »

Euh ? Quelle marque d’intelligence de venir dire à une fille. Surtout que Noemy n’est pas toute seule, je pourrais très bien le démonter la mâchoire et lui donner une belle leçon mais la seule chose que je fais c’est ouvrir mes yeux comme deux soucoupes. Et il part. Comme ça, sans demander son reste. Je me demande qui ça peut bien être... Puis ça fait tilt « je vais devoir vous coltiner encore longtemps ».

« Un voisin je suppose ? »

Oui ça doit être ça. C’est dommage qu’elle soit dans un hôtel miteux pareil. Encore pire que l’immeuble où je suis. Mais au moins, elle a le mérite d’avoir le silence, quelle veinarde ! Mais vu les voisins, je ne sais pas ce qu’est le pire. Le bruit d’une boite de nuit où des danseuses sans avenir gagnent leur paille ? Ou des voisins aux allures douteuses qui vous insultent alors que vous avez failli mourir ? ça reste à voir ! Car bon, des voisins, on peut les supprimer facilement (pot de vin, ou bien meurtre, mais c’est risqué !). Et avec des bonnes boules Quies, le bruit de la boite disparait ! Mais on entend rien d’autre donc le téléphone, la sonnette de la porte et tout le reste sont inaudibles.
Je me retourne et vois le vieux qui marche, comme si de rien n’était. C’est incroyable quand même. Je me tourne de nouveau vers elle. J’espère qu’elle va bien et que ce petit vieux ne lui a pas fait de peine. Je lui souris alors. Et si... Et si... J’ai une idée, mais je crois que c’est un peu rapide.

« Hmm... Je cherche un colocataire pour m’aider au frais du loyer vu que j’ai de plus en plus de mal. Dooonc, si, par un hasard incroyable tu souhaiterais ne plus habiter dans le taudis où tu es, je pourrais te laisser la chambre que j’ai en trop et nous deviendrons colocataire, ahum ? »

Imagine qu’elle refuse ! Imagine une seconde petit Samy qu’elle refuse. Oh quel râteau. AHAHAH, je crains.

J’aimerais qu’elle dise oui. D’une, si elle devient ma colocataire, j’aurais moins de mal à payer les charges et dieu merci, je ne serais plus là, à me priver de telle ou telle chose pour survivre dans ce taudis. Et de deux, je serais content. Car bizarrement, elle n’a pas l’attention de toutes les filles avec qui j’ai passé mes nuits, elle a l’air de vouloir être ami (ou plus, je n’en sais rien), mais elle est naturelle. Elle n’est pas là à se plaindre qu’elle s’est cassé un ongle (cliché, je sais mais ça existe réellement ce genre de nana superficielle, à mon plus grand désarrois), à dire que ses cheveux vont boucler parce qu’il va pleuvoir demain et j’en passe. Ça me fait du bien, bizarrement, d’être avec elle. C’est simple.

Alors que je lui ai demandé le plus naturellement du monde si elle voulait devenir ma colocataire, ses yeux s’ouvrent comme deux soucoupes. Apparemment, elle allait me recaler. Gé-ni-al. Tant pis, j’aurais essayé. Je commence à penser que je devrais poster une annonce à toutes les boulangeries, épiceries et supermarchés du coin pour rechercher un colocataire. Mais je me vois mal vivre avec un ou une inconnu(e). Enfin, Noemy est une inconnue aussi, mais ça reste différent. Je sais qu’elle ne mettra pas feux à l’appartement, ou qu’elle me volera la moitié de mes meubles et s’enfuir avec à l’autre bout du Pacifique. C’est assez bizarre à vrai dire. J’ai l’impression que je peux lui faire confiance, et je n’aime pas réellement ça. Et si je me trompais ? Si c’était une de ses salopes qui dansent toutes les nuits sur treize centimètres de talons et qui finissent ivres mortes dans le lit d’un mec macho qui sera content d’avoir serré une nana. Je fais confiance à mon instinct, et j’espère que j’ai raison.

« - J'en serai ravie mais et toi ? es-tu sûr que ça ne te dérange pas ? parce que si c'est le cas , ne t'en fait pas pour moi ce n'est pas si mal là où j'habite.. »

Je lève les yeux vers elle. OH OH ! J’avais eu un petit doute, mais finalement, elle veut bien. Enfin, j’espère qu’elle ne dit pas ça qu’elle ne peut pas dire non. Ah j’en connais pas mal des gens qui ne savent pas dire non. Plus jeune, je me servais beaucoup d’eux en leur demandant des trucs, des services, de l’aide. Mais j’ai appris que ce n’était pas très cool, vraiment pas.

« ça ne me dérange pas du tout, au contraire. » je lui souris. « et pas si mal ? Ce motel est un trou à rat, regarde la gueule du voisin » je ris en pointant le vieux monsieur au loin. « Si je te le propose, c’est qu’il n’y a aucun soucis. »

Je souris de nouveau et sors une nouvelle cigarette. J’aurais un poids de moins sur les épaules ! Mais je me demande quelque chose : comment on vit avec quelqu’un ? Car ça fait vraiment beaucoup de temps que je suis seule dans cet appart mal insonorisé et mal décoré. Je ne suis pas sale, enfin, je ne laisse pas toutes mes fringues je ne sais où, mais je ne fais jamais la vaisselle (ça m’est arrivé de manger directement dans le paquet de céréales en versant le lait dedans et mangeant avec les doigts parce que j’avais plus de cuillers et bols propres. Enfin bref, c’est assez catastrophique dans mon évier et j’espère qu’elle ne sera pas trop... écœurée ?

« Donc nous sommes partis pour ça ? » souris-je.