J’ai passé une nuit affreuse. Etant donné que je n’avais rien eu à faire hier soir, j’avais du rester chez moi. Et le club avait lâché sa musique incessante et ce n’est qu’à cinq heures du matin que tout s’était calmé. Mais croyez moi, ça n’a rien arrangé. Les gros imbéciles qui étaient sortis du club faisaient un bruit monstre. J’avais donc passé une nuit blanche et avait eu le plaisirs de remarquer que nous étions samedi, donc pas de boulot pour moi.

Je suis dans le parc le plus proche de l’immeuble, j’attends que le temps passe. Il fait beau, le soleil tape gentiment. Mes lunettes sur mon nez m’aident à ne pas montrer aux Melbournians quelle tête j’ai. Les cernes sont creusés, mes yeux rouges de ne pas avoir dormis.
Je n’étais sortis qu’en tee-shirt, et je crois que j’ai bien fais. Il fait de plus en plus chaud. Mais je m’en fiche un peu, c’est mieux même. Je crois que ça me reste éveillé. Imaginez qu’un mec comme ça s’endorme sur le banc du parc public près de chez lui.
Et puis j’aime bien regarder les gens.
Il y a une femme, tout à fait mon style. Grande, blonde et vraiment bien foutue. Le vent fait voler ses cheveux, on croit qu’une aura la suit partout avec la lumière du soleil. Mais le seul souci, elle a une petite fille, tout aussi mignonne qu’elle. Si elle n’avait pas eu une fille, j’aurais été la dragué.
Et puis un vieux monsieur qui promène son chien. Il marche droit, mais son gros ventre le fait pencher un peu en avant. Une grande barbe blanche, de grosses lunettes du style année ’80, vous voyez le genre.
Une jolie dame, brune avec des belles boucles et un rouge à lèvre rouge à tomber. Très glamour, mais un peu trop vieille. Elle prenait des photos avec un appareil argentique, et même si l’âge ne m’avait jamais posé problème, je crois que ma tête de zombie me faisait changer d’avis.
Et des enfants. Des enfants à la pelle. Ils jouent dans le sable, sur les toboggans en glissant la tête en avant, sur la pelouse à se courir les uns après les autres. J’aimais bien les enfants. Que quand il ne me collait pas. Et qu’on ne devait pas aller aux toilettes essuyer leur petit derrière tout rebondit.
La journée reprend à Melbourne, et dès dix heures du matin, les gens se baladent dans l’une des plus belles villes du monde.

Ma tête bourdonne, et je ne sens presque plus mes bras, mais je m’en fiche. Je suis bien sur ce banc, à regarder les enfants jouer. En plus, il sera bientôt l’heure de manger, et je ne rate aucune occasion pour me bourrer le ventre. Je pourrais très bien me payer un menu dans un grand fast-food du coin de la rue, mais je n’aime pas quand les gens me regardent. Imaginez un mec (un beau mec, mais à tête de zombie) commander un menu, le plus grand du restaurant, à dix heures du matin ? Sans déconner, c’est mal vu. De toute manière, je suis pas encore très affamé, je peux bien attendre deux heures, non ? « woaf ! woaf ! woaf ! » D’une, je n’aime pas ces foutus cabots quand ils aboient. De deux, je les hais encore plus quand ils aboient le matin. Non merci, je viens de me réveiller, alors qu’il ferme sa gu... Bouche. D’ailleurs, je me demande bien ce qui a pu le faire aboyer ainsi, parce qu’il était quand même calme depuis le début de sa promenade, donc à part si c’est un vrai connard et que ce chien prenne plaisirs à gueuler dans le parc à une heure si précoce, je ne vois pas ce que ça pourrait être. Je lève donc les yeux vers le caniche et vois une blonde dans une situation plutôt... Hilarante. Elle était dans les bras du vieux monsieur qui penche en avant du à son ventre. Je ris, je ris tellement que j’en eu vite mal au ventre. J’étais de bonne humeur ce matin apparemment ! Je la vois qui se relève, difficilement mais sûrement. Elle a l’air gênée, ce qui me fait encore plus rire. Mais quand je la vois s’approcher de moi, j’essaye, en vain, de cacher mon sourire amusé. « Que trouves-tu de drôle dans cet accident ?! », puis elle ajoute « Si tu dis le monsieur, je comprendrais ! ». J’essayais de cacher mon amusement à sa rencontre plutôt rigolote avec ce monsieur, et quand enfin j’allais me justifier, elle me coupa et s’écria : « Mais je te connais toi, tu es dans le même immeuble que moi ! ». Houla, elle est folle ou... ? Je ne l’ai vu nulle part, et croyez-moi, une petite blondinette à face d’ange limite sainte nitouche, je m’en serais rappelé. Peut-être que je l’ai déjà rencontré alors que j’avais la tête dans le cul, à savoir. Il y a de nombreux locataires de l’immeuble que je n’ai pas encore rencontré bien que je sois assez vieux. « Probable », dis-je en souriant. « Et ce qu'il y avait d’hilarant dans ta chute avec ce vieux monsieur, c’est simplement le fait que tu sois tombé. C’est toujours marrant de voir quelqu’un se ramasser. »

Je lui avais répondu le plus simplement du monde, et à son visage, elle avait du mal le prendre. Mais nous sommes d’accord, quand quelqu’un tombe, on rigole. Bon, si cette personne s’est faite mal, c’est tout de suite moins marrant. Je trouve que cette fille est réellement susceptible. Je la regarde plus précisément, non, elle ne me dit rien. Ses cheveux blonds sont lisses, voir raides comme des bâtons même si à quelques endroits, ça a l’air complètement la jungle. Ses yeux bleus sont cernés, et même si la couleur est magnifique, on dirait qu’elle n’a pas dormit de la nuit, ou mal (et c’est dans ce moment que je bénis les fabricants de lunettes de soleil). Elle me répond enfin qu’il n’y a rien d’hilarant, et que si ça avait été moi, je n’aurais pas rit. Faux. Sur toute la ligne mon amie. Je me serais levé et aurait rit dignement. Puis avant que je puisse ouvrir la bouche (elle a le sérieux don de couper la parole aux gens avant qu’il puisse même ouvrir la bouche), elle me dit qu’elle s’appelle Alicia et qu’elle habite vraiment dans le même immeuble que moi, en précisant « où il y a un club si tu t'en souviens bien ». Comment pourrais-je oublier le club, étant donné que j’habite dans cet immeuble... ? « Sam. » lui dis-je simplement. Puis elle propose de marcher, et pour je ne sais quelle raison, je commence à avancer. Quand au loin j’aperçois une flaque de boue (à Melbourne, nan mais cherchez l’erreur), je me prépare à l’éviter, mais je sens quelque chose au niveau de mes pieds et je me mange méchamment la flaque. PUTAIN ! Mais c’est quoi ce bordel de merde ? « Mais putain ! ». Je me lève immédiatement en entendant les rires des gens. Génial. Je me tourne, je vois la blonde dans la boue (je ne l’aide pas, elle est assez grande) et ne voit aucune pierre. Dans quoi j’aurais pu me mettre les pi... Ah, d’accord. « Vraiment, mais alors là, vraiment marrant. Hilarant même. Tu sais que tu es un vrai petit clown ? ». Là, elle me gratifie de son regard mauvais et méchant, bouh j’ai peur. Non, sérieusement, je crois que mon taux de rage est tellement élevé que même dix tonnes de thé doux et sucré ne me calmerait pas. Je me nettoie le visage en enlevant le plus de boue possible et c’est là que je remarque que mes lunettes ne sont plus sur mon nez. Je m’accroupie, et les cherche dans la boue. « Oh. Mon. Dieu. J’espère que tu as ton porte-monnaie sur toi petite car mes lunettes de soleil sont foutues. Mais qu’est ce qui t’as pris ? ». Je m’assois dans les graviers (je ne pourrais être plus sale à présent). Puis je le regarde et commence à sérieusement m’emporter : « Tu sais, si je me suis moqué de toi, le croche-pied n’était VRAIMENT pas nécessaire ! J’aurais pu me faire mal. Si ton amour propre a été blessé pendant ta chute sur le vieux, ce n’est pas ma faute. Tu as des pieds, alors tu sais t’en servir non ? Je rêve. J’espère que je vais me réveiller. Je crois que tu es bien placé pour savoir ce que c’est l’horreur de passer une nuit dans l’immeuble je présume, non ? Alors tu comprendrais si je te dis que j’ai passé une nuit blanche, donc je n’ai pas dormis de la nuit. Je ne dors pratiquement jamais et ça, c’est la cerise sur le gâteau. J’espère pour toi ne plus te croiser. Si tu me vois dans l’ascenseur, ne rentre pas et attend le prochain. Je prends mon courrier ? Attend que je sois parti. Tu bien compris ?! ». Après m’avoir lâché en gueulant sur Blondie, je me lève et regarde les dégâts. Mon tee-shirt blanc ? Foutu ! Mon jean neuf ? Foutu ! Et par-dessus tout, le culte de mon charme : mes lunettes. ? FOU-TU. Je suis tellement énervé que mon cœur va lâcher si ça continue.

Je venais de crier dans le parc. Avoir gueulé sur Blondie m’a fait un bien, et maintenant, quelques passants surpris nous regardent les yeux en formes de soucoupes. Comme si crier étaient un crime. Ma foi, je m’en fiche. Je suis tellement remontée que les jointures de mes phalanges sont blanche du à mes poings serrés. Je le regarde droit dans les yeux. Si j’avais pu, j’aurais pu la tuer sur place. RAH ! Jamais depuis que j’étais arrivé à Melbourne une jeune fille qui collectionne encore les poupées Barbie ne s’était entêtée devant moi. Elle aurait, déjà, éviter de me faire tomber et admettons qu’elle aurait fait, s’excuser et partit en se faisant partir. Mais non, mademoiselle Blondie a voulu faire la grande fille. J’espère, pour elle comme pour moi, ne pas la croiser dans l’immeuble, surtout pas. Et son sourire mesquin et moqueur ne disparait toujours pas, elle l’affiche haut et fort. Je la hais, définitivement. Puis elle commence à expliquer : « Ohhh... Pauvre petit chou, t'as vu mes vêtements et bah, j'men fous qu'il soit foutu, j'ai cas aller dans la friperie et je m'en fabrique des nouveaux ! Et je croyais que si tu tombais tu ne t'énerverais pas ! Et en plus, ce n'est pas TON immeuble, alors, si t'as pas envie de me croiser tu change des plans et tu dégage, moi si je veux mon courrier et que tu y es, bah, j'le prends quand même ! De plus, j'ai mon porte-monnaie et y'a de l'argent dedans, t'as de la chance, je viens de vendre ma plus belle tenue, donc, il est bien rempli, alors t'es lunettes, tu me dis le prix et on n'en parle plus ! Et si tu veux un nouveau tee-shirt, donne moi le tissus que tu veux, je te le fait, gratuitement en plus ! C'est bon, t'es calmé ! ». Je rêve, non, je rêve. Réveillez-moi sur le champ ! Si j’avais été sa mère, je lui aurais mis deux belles claques, les plus mémorables de sa vie, si bien qu’elle pourrait raconter se souvenir à ces enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants. Mais non, je n’étais qu’un pauvre jeune homme de vingt six ans sur qui elle pouvait exercer sa soit disant assurance. Mais je lui en foutrais de l’assurance. Et d’où est-ce qu’elle peut oser hausser le ton. Comme si ma fierté, ma dignité et mon amour propre n’avaient pas déjà été assez achevés, elle en rajouté une couche. « Tu me fais sacrément chier. Je m’en fous de ta friperie, d’accord ? Et puis, je n’ai jamais dis que je ne m’énerverais pas si je tombais, et admettons que, par une chance de cocu, je l’aurais dis, j’aimerais préciser que je parlais de tomber tout seul, pas parce que quelqu’un sans sang-froid et froissé me pousserait. Ce n’est sûrement pas mon immeuble, d’ailleurs je n’ai jamais dis que c’était le mien, mais j’y suis depuis bien plus longtemps que toi ma p’tite. Tu t’es frotté à la mauvaise personne. Et je me fous de ta vie, que tu aies vendu ta plus belle création ou que tu élèves des pingouins dans ta baignoire remplis de champagne. N’essaye vraiment pas de faire la maligne, s’il te plait, parce que je ne suis pas la meilleure personne avec qui se disputer. » Une fois finit de lui avoir une nouvelle crié dessus, je souffle. Comme si on ne me fait déjà pas assez chier dans l’immeuble, alors quand si je trouvais un havre de paix dans cette ville de dingue, on commençait à m’en faire voir de toutes les couleurs, j’en avais pas finis de crier dans tous les sens. Je suis tellement irrité, tellement, mais tellement !

Je ressemble à mon père. A ce moment, là, maintenant. Il était comme ça, à gueuler pour un rien. A s’emporter dans des moments qui devaient être prit avec légèreté et calme. C’est là que l’image qui revient dans mon miroir à chaque fois que je regarde mon reflet me revient. Je me souviens des repas de dimanche qui commençaient bien, mais qui terminait en grosse dispute parce que mon père reprochait telles ou telles choses à ma mère, et que cette dernière se défendait. Moi, je montais dans ma chambre avant même d’avoir entamé le dessert. J’en avais raté des desserts dans ma vie. Mais cette dispute avec cette jeune adolescente qui joue aux grandes est vraiment une occasion à ne pas prendre avec sérénité et quiétude.

Je lui lance encore un regard mauvais, puis mes mon index et mon pouce de la main gauche sur l’arrêt de mon nez en le pinçant fort. Solution, j’ai besoin d’une solution.